Tribune : nous ne pourrons plus dire que nous ne savions pas !

Contexte

L’association Avenir Santé Environnement située sur l’agglomération de La Rochelle, s’est constituée en 2018 suite à la multiplication de cancers pédiatriques sur la commune de Saint Rogatien et à l’alerte sanitaire lancée par le CHU de Poitiers à l’ARS concernant ce territoire. Dès 2018, une étude épidémiologique a révélé un excès de risques pour la tranche d’âge des 0-24 ans sur la commune de Saint Rogatien 1.

Force est de constater que cette étude épidémiologique n’a pas permis de mobiliser pleinement les pouvoirs publics (Santé Publique France et l’ARS) pour rechercher ensemble des facteurs de risques cancérigènes afin de mettre en place des démarches de prévention et de mise en protection des enfants.

Ce travail a été engagé par l’association qui n’a eu de cesse depuis de rechercher d’éventuels facteurs de risques environnementaux et ainsi lever des doutes. Elle a milité auprès des autorités du territoire pour la réalisation d’études de la qualité de l’air et une surveillance active de l’environnement.

Depuis maintenant 3 ans, les résultats d’études mettent en évidence la présence MASSIVE de pesticides autour de la Rochelle et plus particulièrement dans la plaine d’Aunis :

En décembre 2020, un point de captage d’eau potable desservant 3500 foyers de l’agglomération de La Rochelle était contaminé par un herbicide, le Chlortoluron, classé Cancérigène Mutagène et dangereux pour les milieux aquatiques4 . Le taux relevé au point de captage était 130 fois supérieur à la norme de potabilité, et cette eau, bien que diluée, a été distribuée pendant plusieurs jours avant que l’ ARS ne fasse fermer le captage le 4 janvier 2021. Les associations Avenir Santé Environnement5 et Nature Environnement 176 ont déposé plainte le 10 décembre 2021.7

La Charente Maritime détient de bien tristes records en termes de pollution de l’air et de l’eau aux pesticides. Et qu’en est-il de la pollution des sols ? Qu’en est-il de l’effet cocktail occasionné par l’exposition multiple à des substances dont les niveaux dépassent les normes sanitaires ? Quel risque de développer des maladies chroniques et des cancers ?

L’Etat et les autorités de nos territoires doivent agir pour protéger la santé des populations et l’environnement de plus en plus fragilisés et dégradés. Les expositions aux pesticides et les risques associés sont multiples. Et bien au-delà du département, d’autres associations se mobilisent partout en France.

1 Etude épidémiologique actualisée 2008-2018.
2 Les pesticides dans l’air - Mesure dans la Plaine d’Aunis - Montroy (17) - février à décembre 2019 - Atmo Nouvelle Aquitaine, juillet 2020
3 Les pesticides dans l’air - Bilan annuel 2021 - Atmo Nouvelle Aquitaine, juillet 2022
4 E-phy - Anses
5 Diététique et Bien-Être : https://www.dietetiquebienetre.fr
6 Nature Environnement 17 : https://www.ne17.fr/
7 Dépôt de plainte suite à la pollution aux pesticides du captage d’eau potable de Clavette (17) - Décembre 2020

Un Constat Alarmant

Le terme « pesticide » couvre un large éventail de molécules chimiques, notamment les insecticides, les fongicides, les herbicides, les rodenticides, les molluscicides, les nématicides…etc. Les premiers pesticides de synthèse ont fait leur apparition dans les années 40. Les pesticides ont permis de maîtriser l’invasion de certains ravageurs qui pouvaient mettre à mal la production agricole, mais à quel prix ? Une vingtaine d’années plus tard seulement, les premiers soupçons d’impacts négatifs sur l’environnement et la santé humaine sont mis en évidence.

Nous savons que la France est l’un des principaux consommateurs de pesticides en Europe

La consommation agricole mondiale de pesticides a augmenté de façon conséquente de 1990 à 2020. Au cours de la dernière année, la consommation mondiale de pesticides s’élevait à près de 2,7 millions de tonnes métriques, soit une augmentation de plus de 57 % par rapport à 19908. La France n’est pas en reste. D’après Foodwatch, La France est depuis les années 2010 le premier pays consommateur de pesticides de synthèse en Europe. L’ONG, qui se base sur des données publiques sur la période 2011-2020, a calculé qu’en moyenne 67 000 tonnes de matières actives ont été vendues dans l’hexagone chaque année9. Au premier rang desquels les herbicides, puis les fongicides de synthèse.

Nous savons que l’air est contaminé

Comme l’explique l’ANSES, il n’existe à ce jour AUCUN plan national de surveillance10, ni de valeur réglementaire sur la contamination des milieux aériens par les pesticides. Pour l’air extérieur, depuis le début des années 2000, les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) réalisent des mesures régionales de pesticides. Elles ont collecté plus de 450 000 données, disponibles dans la base de données PhytAtmo11.

Une de ces études réalisée par AIRPARIF12 a démontré en 2016 qu’entre 25 et 75 % des pesticides appliqués seraient transférés vers l’atmosphère selon les modes d’application et les conditions climatiques. Ces expositions de population de grande ampleur constituent un véritable problème de santé publique pour l’ensemble de la population et en particulier pour les personnes vulnérables (enfants, femmes enceintes, maladies chroniques…).

L’exposition récurrente des riverains à de multiples cocktails de substances toxiques représente un risque pour leur santé.

8 https://www.statista.com/statistics/1263077/global-pesticide-agricultural-use/
9 https://www.foodwatch.org/en/reports/2022/locked-in-pesticides-europes-dependency-on-harmful-pesticides-and-how-to-overcome-it/
10 https://www.anses.fr/en/content/contamination-air-pesticides
11 https://www.atmo-france.org/article/phytatmo
12 https://www.airparif.asso.fr/sites/default/files/pdf/rapport-pesticides-partie1-160510.pdf

Nous savons que les sols sont contaminés

Ces dernières années, des terres ont été converties, passant de l’agriculture conventionnelle, grande consommatrice de pesticides, vers l’agriculture biologique. Cependant, des chercheurs européens ont montré que des pesticides épandus il y a des décennies continuent de souiller durablement les terres13.

Les chercheurs ont trouvé des résidus de pesticides sur tous les sites, y compris les fermes biologiques converties depuis plus de 20 ans. L’équipe a constaté une plus faible abondance en microbes bénéfiques pour les sols lorsque les champs étaient davantage traités avec des pesticides, ce qui suggère que la présence de ces substances peut diminuer la santé du sol.

Le XXe siècle a ainsi donné lieu à une très nette détérioration des sols du monde par les pesticides, et l’on estime que 95% d’entre eux pourraient être dégradés d’ici à 205014.

Nous savons que la quasi-totalité des cours d’eau en France est contaminée

En 2013, le Commissariat au Développement Durable15 éditait un rapport dans lequel il informait que des pesticides étaient présents dans la quasi-totalité des cours d’eau Français. 92 % des points de surveillance faisaient état à minima de la présence d’au moins un pesticide dans l’eau :

[…] La surveillance de la qualité de nos eaux est établie grâce à 2 950 points de contrôle répartis sur l’ensemble du territoire français. Au total, plus de 400 substances actives ont été retrouvées au moins une fois en 2013 sur les 670 recherchées. Toutes ne sont pas présentes partout, néanmoins, les points touchés font état d’une grande variété de substances : plus de 10 pesticides différents ont été retrouvés dans près de 60 % des cas. […]

En 2020, EAU FRANCE (le service public d’information sur l’Eau) actualisait ses études et expliquait que sur plus de 700 pesticides recherchés dans les eaux souterraines, environ 350 étaient présents dont 175 herbicides.
Près de 80% des 2 340 points de mesure des réseaux de surveillance de la qualité des eaux souterraines, soit environ 1870, étaient concernés par la présence d’au moins un pesticide. 650 points de mesure dépassent la norme de 0,5 µg/l pour le total des substances, et 878 dépasse la norme de 0,1 µg/l pour au moins une substance individuelle.

Dans ce rapport intitulés “Eau et milieux aquatiques 2020”16, Eau France précisait le type de molécules retrouvées :

[…] Parmi les substances autorisées en 2020, les métabolites de métolachlore, métazachlore et dimétachlore, ainsi que les substances mères bentazone, chlortoluron ou glyphosate, comptent parmi les substances les plus quantifiées sur le territoire. Malgré leur interdiction de mise sur le marché depuis près de deux décennies, certaines substances (atrazine, chlorate de sodium, simazine, alachlore, oxadixyl, chloridazone), sous leur forme d’origine ou en tant que métabolites, figurent parmi les substances les plus quantifiées sur le territoire. Les Antilles françaises sont affectées par la pollution historique à la chlordécone, insecticide classé cancérigène 2B par le Centre International de Recherche contre le Cancer depuis 1987, interdit en France depuis 1993 […]

13 https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.est.0c06405
14 https://www6.paca.inrae.fr/emmah/Equipes-de-recherche/Equipe-DISCOVE/Faits-marquants/Contamination-des-sols-et-des-vers-de-terre-par-les-pesticides
15 https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-25719-chiffres-pesticides-cours-eau.pdf
16 https://www.eaufrance.fr/publications/eau-et-milieux-aquatiques-les-chiffres-cles-edition-2020

Nous savons que les sols sont contaminés

Ces dernières années, des terres ont été converties, passant de l’agriculture conventionnelle, grande consommatrice de pesticides, vers l’agriculture biologique. Cependant, des chercheurs européens ont montré que des pesticides épandus il y a des décennies continuent de souiller durablement les terres 13.

Les chercheurs ont trouvé des résidus de pesticides sur tous les sites, y compris les fermes biologiques converties depuis plus de 20 ans. L’équipe a constaté une plus faible abondance en microbes bénéfiques pour les sols lorsque les champs étaient davantage traités avec des pesticides, ce qui suggère que la présence de ces substances peut diminuer la santé du sol.

Le XXe siècle a ainsi donné lieu à une très nette détérioration des sols du monde par les pesticides, et l’on estime que 95% d’entre eux pourraient être dégradés d’ici à 205014.

Nous savons que la quasi-totalité des cours d’eau en France est contaminée

En 2013, le Commissariat au Développement Durable15 éditait un rapport dans lequel il informait que des pesticides étaient présents dans la quasi-totalité des cours d’eau Français.
92 % des points de surveillance faisaient état à minima de la présence d’au moins un pesticide dans l’eau :

[…] La surveillance de la qualité de nos eaux est établie grâce à 2 950 points de contrôle répartis sur l’ensemble du territoire français. Au total, plus de 400 substances actives ont été retrouvées au moins une fois en 2013 sur les 670 recherchées. Toutes ne sont pas présentes partout, néanmoins, les points touchés font état d’une grande variété de substances : plus de 10 pesticides différents ont été retrouvés dans près de 60 % des cas. […]

En 2020, EAU FRANCE (le service public d’information sur l’Eau) actualisait ses études et expliquait que sur plus de 700 pesticides recherchés dans les eaux souterraines, environ 350 étaient présents dont 175 herbicides.
Près de 80% des 2 340 points de mesure des réseaux de surveillance de la qualité des eaux souterraines, soit environ 1870, étaient concernés par la présence d’au moins un pesticide. 650 points de mesure dépassent la norme de 0,5 µg/l pour le total des substances, et 878 dépasse la norme de 0,1 µg/l pour au moins une substance individuelle.

Dans ce rapport intitulés “Eau et milieux aquatiques 2020”16, Eau France précisait le type de molécules retrouvées :

[…] Parmi les substances autorisées en 2020, les métabolites de métolachlore, métazachlore et dimétachlore, ainsi que les substances mères bentazone, chlortoluron ou glyphosate, comptent parmi les substances les plus quantifiées sur le territoire. Malgré leur interdiction de mise sur le marché depuis près de deux décennies, certaines substances (atrazine, chlorate de sodium, simazine, alachlore, oxadixyl, chloridazone), sous leur forme d’origine ou en tant que métabolites, figurent parmi les substances les plus quantifiées sur le territoire. Les Antilles françaises sont affectées par la pollution historique à la chlordécone, insecticide classé cancérigène 2B par le Centre International de Recherche contre le Cancer depuis 1987, interdit en France depuis 1993 […]

13 https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.est.0c06405
14 https://www6.paca.inrae.fr/emmah/Equipes-de-recherche/Equipe-DISCOVE/Faits-marquants/Contamination-des-sols-et-des-vers-de-terre-par-les-pesticides
15 https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-25719-chiffres-pesticides-cours-eau.pdf
16 https://www.eaufrance.fr/publications/eau-et-milieux-aquatiques-les-chiffres-cles-edition-2020

Nous savons que l’eau du robinet est concernée par la contamination aux pesticides

Un rapport publié mi-juin 2020 par Générations Futures 17 montre la difficulté et les limites dans la détection de pesticides dans l’eau du robinet en France.

Sur les pesticides recherchés, le travail d’analyse des données de Générations Futures montre que 35 % des analyses réalisées en France détectent des pesticides. Ce sont majoritairement des perturbateurs endocriniens suspectés : 56,8 % des quantifications de résidus de pesticides. Les pesticides ayant des propriétés Cancérogène, Mutagène, Reprotoxique (CMR) sont aussi très présents : 38,5% des quantifications de résidus de pesticides. Au total, plus des 3/4 des pesticides retrouvés dans l’eau du robinet sont de type CMR ou PE. En outre, les métabolites, nombreux sous-produits toxiques issus des pesticides, ne sont pas recherchés, tout simplement par incapacité technique.

A savoir, le coût de la dépollution des pollutions agricoles représente entre 750 millions et 1,3 milliard d’euros par an, intégralement financé par les consommateurs via leurs factures d’eau et la redevance qu’ils versent aux agences de l’eau.

Nous savons que les pesticides impactent la Biodiversité

La biodiversité englobe la diversité de la vie à tous les niveaux : la diversité des espèces, la diversité génétique ainsi que la diversité des milieux et des écosystèmes. Une biodiversité élevée est une condition importante pour la conservation de processus essentiels tels que la régulation naturelle, la pollinisation des fleurs d’arbres fruitiers par les insectes et les processus de formation des sols et de décomposition de la matière organique.

Nous sommes d’ores et déjà dans une période qui a été qualifiée par les scientifiques comme étant la 6ème extinction de masse à savoir la perte accélérée d’espèces induite par l’homme. 18

Dans un rapport datant de 2019, rédigé par Générations Futures et intitulé “Pesticides et Biodiversité”19, les études scientifiques révélant les ravages des pesticides sur nos milieux naturels sont énumérées. Les pesticides représentent une des causes majeures du déclin de certaines populations d’oiseaux et d’invertébrés terrestres, à l’instar des insectes pollinisateurs et plus particulièrement des abeilles ou des coléoptères prédateurs de certains ravageurs. Ils contribuent fortement au risque d’extinction qui pèse sur 9 à 15 % des espèces recensées en Europe. Tous les milieux sont concernés jusqu’au milieu marin et la faune aquatique.

En 2022, l’expertise collective réalisée par l’INRAE et l’IFREMER20 confirme la toxicité et les effets dramatiques des pesticides sur les milieux naturels. Dans leur rapport, les scientifiques notent que […] l’état actuel des connaissances montre une large contamination des écosystèmes par les produits phytopharmaceutiques. Avec un pic de contamination dans les espaces agricoles – dans les sols, les petits cours d’eau et l’air… Là où ils sont majoritairement appliqués. Cette contamination touche aussi les zones situées à distance des parcelles cultivées comme les milieux aquatiques et les sédiments. Ceci jusqu’à des milieux reculés comme les zones proches des pôles et les grands fonds marins […]

17 https://www.generations-futures.fr/wp-content/uploads/2020/06/exppert-12-eau-version-finale.pdf
18 https://www.science.org/doi/full/10.1126/sciadv.1400253?utm_source=TrendMD&utm_medium=cpc&utm_campaign=TrendMD_1&
19 https://www.generations-futures.fr/wp-content/uploads/2019/03/pesticides-et-biodiversite_web.pdf
20 https://www.inrae.fr/actualites/biodiversite-services-rendus-nature-que-sait-limpact-pesticides

Stéphane Pesce, chercheur à l’INRAE, coordinateur de cette expertise, précise également que : “Les études disponibles publiées ces vingt dernières années permettent d’affirmer de manière robuste que les produits phytopharmaceutiques sont une des causes majeures du déclin de certaines populations”.

Nous savons que les pesticides contaminent les cultures Biologiques et menacent l’Apiculture

En France, les tensions sont vives entre Agriculture Biologique et Agriculture Conventionnelle autour du prosulfocarbe (le deuxième herbicide le plus utilisé en France après le glyphosate).

En 2020, le prosulfocarbe 21 avait contaminé 14 récoltes de sarrasin biologique pour une valeur de 80000 euros

« Très volatile », cet herbicide serait « l’un des pesticides les plus présents dans l’air, aussi bien en termes de fréquence que de concentration », affirment la Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB), la Fédération des organisations économiques 100 % bio Forébio et l’ONG Générations Futures dans un communiqué commun. Chaque année, de nombreuses cultures sur lesquelles il n’est pas utilisé s’en trouveraient contaminées. Sur les cultures bio concernées en 2020, les résidus trouvés avaient dépassé jusqu’à cent fois les limites maximales autorisées, rappellent les organisations.

En 2022, Générations Futures et la FNAB ont saisi le juge des référés pour demander la suspension immédiate de la commercialisation de ce produit. La demande a été rejetée par le Tribunal d’Amiens22

« Pour éviter que de nouvelles récoltes bio soient détruites et que les producteurs et productrices soient laissées sans solution nous n’avons pas d’autres choix que d’essayer d’empêcher cette année l’utilisation du prosulfocarbe, notre objectif est donc de demander d’ici l’automne l’interdiction de tous les produits à base de prosulfocarbe utilisés en France » explique Philippe Camburet, président de la FNAB.

Malgré les préconisations de l’ANSES pour une meilleure utilisation, l’augmentation de sa présence dans les relevés de la qualité de l’air pose question. A la Rochelle, sa concentration dans l’air constitue le record de France du plus haut taux de Prosulfocarbe relevé. L’Agglomération de La Rochelle a même demandé un moratoire23 sur son utilisation, demande rejetée24 par le Ministère de l’Agriculture.

Autre sujet de crispation non négligeable, les relations entre Apiculture et Agriculture Conventionnelle a propos des néonicotinoïdes
Les néonicotinoïdes sont des insecticides dits « systémiques ». Cela signifie que le toxique qu’ils libèrent circule dans l’intégralité du système vasculaire de la plante et finit par se retrouver aussi dans le pollen ou le nectar en période de floraison. En bout de chaîne, les abeilles et bourdons qui viennent butiner les fleurs se retrouvent donc intoxiqués à leur tour.

Même à très faible dose, ces produits neurotoxiques ultra concentrés tuent les pollinisateurs par contact ou ingestion. Ils ont des effets aigus et/ou chroniques, létaux ou sublétaux, tels que la désorientation des abeilles butineuses qui ne retrouvent plus leurs ruches, engendrant la destruction de l’ensemble de la colonie. Autre problème documenté par les scientifiques : les plantes n’absorbent en moyenne que 10% du produit. Le reste contamine donc les sols et les cours d’eau. Ces substances sont, d’autre part, persistantes dans les sols et rémanentes dans les cultures suivantes.

21 https://www.generations-futures.fr/actualites/prosulfocarbe-contamination-bio/
22 https://www.vacances-scolaires-gouv.com/2023-2024-calendrier-scolaire
23 https://www.francebleu.fr/infos/environnement/la-rochelle-championne-de-france-du-prosulfocarbe-un-herbicide-1657267530
24 https://www.sudouest.fr/environnement/pesticides/pesticides-dans-l-agglo-de-la-rochelle-le-moratoire-contre-le-prosulfocarbe-refuse-11794507.php

En 1995, les insecticides néonicotinoïdes font leur apparition en France. Depuis lors, environ 300 000 ruches périssent chaque année et doivent être reconstituées. Les mortalités sont passées de 5 à 30% de nos jours. Les rendements de miel par ruche ont été significativement réduits, divisant la production de miel française par deux en 20 ans.
Depuis, les syndicats d’apiculteurs ont mené un combat sans relâche pour obtenir une interdiction d’utilisation de tous les néonicotinoïdes.
Depuis le 1er septembre 2018, à la suite de la loi biodiversité du 8 août 201625, l’utilisation des produits contenant des néonicotinoïdes et des semences traitées avec ces produits est interdite en France. Cette interdiction a été étendue aux substances similaires.

Mais depuis, des dérogations d’utilisation ont été accordées pour 2021, 2022 et 202326 afin de soutenir la filière sucrière de la betterave, menaçant à nouveau l’apiculture et la biodiversité dans nos campagnes.

Nous savons que les plans de réduction d’usage des pesticides sont en échec

Il y a peu, la Cour des comptes27 établissait un bilan des différents plans successifs de réduction d’utilisation des pesticides :
« Mis en œuvre depuis 2008, les plans de réduction des usages et des effets des produits phytopharmaceutiques, dits « plans Écophyto », devaient permettre à la France de réduire les risques et les effets de ces produits (communément appelés « pesticides ») sur la santé humaine et sur l’environnement, et d’encourager le recours à des méthodes de substitution. Dix ans après, malgré des actions mobilisant des fonds publics importants, ces plans n’ont pas atteint leurs objectifs. Ainsi, l’objectif initial de diminution du recours aux produits phytopharmaceutiques de 50 % en dix ans, reporté en 2016 à l’échéance 2025 et confirmé en avril 2019, assorti d’un objectif intermédiaire de - 25 % en 2020, est loin d’être atteint : l’utilisation des produits mesurée par l’indicateur NODU 7 a, au contraire, progressé de 12 % entre 2009 et 2016, ce qui reflète la lente évolution du modèle agricole national. »

Nous savons que certaines pathologies développées suite à une exposition aux pesticides sont désormais reconnues comme maladies professionnelles

L’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles) donne une définition assez précise de ce qui constitue une maladie professionnelle :
“Une maladie est dite professionnelle si elle est la conséquence directe de l’exposition d’un travailleur à un risque physique, chimique ou biologique, ou résulte des conditions dans lesquelles il exerce son activité professionnelle et si elle figure dans un des tableaux du régime général ou agricole de la Sécurité sociale.”
Dans le Code Rural et de la Pêche Maritime Annexe II28, sont présentés les tableaux des maladies professionnelles en agriculture.

Dans ces tableaux nous pouvons lister les pathologies reconnues en lien direct avec une exposition aux pesticides :


25 https://www.vie-publique.fr/loi/20711-reconquete-de-la-biodiversite-de-la-nature-et-des-paysages-agence-fran
26 https://www.vie-publique.fr/loi/276032-loi-14-decembre-2020-derogation-utilisation-neonicotinoides-betteraves
27 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-bilan-des-plans-ecophyto
28 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006138457/

Depuis les années 80, des études épidémiologiques ont établi des corrélations entre l’exposition professionnelle aux pesticides et la survenue de cancers, maladies neurodégénératives et troubles de la reproduction. Malheureusement en un peu plus de 40 ans les choses ont peu bougé. La Mutualité Sociale Agricole reconnaît officiellement que les pesticides peuvent développer ou aggraver des maladies potentiellement mortelles suivant leur degré de dangerosité, mais qu’a fait l’Etat ? A-t-il interdit les produits classés CMR (cancérogène, mutagène et reprotoxique) ?

Il est temps d’ouvrir les yeux sur ce qu’il se passe dans le monde agricole et de refuser que nos agriculteurs s’exposent à de telles substances, reconnues dangereuses, pour assurer la survie de l’agriculture française.

Nous savons qu’il existe de fortes présomptions entre l’exposition aux pesticides et la survenue de certains cancers pédiatriques.

En vingt ans, les cancers chez les enfants ont augmenté de 13% dans le monde, selon l’OMS29 En France, selon l’INCa (Institut National du Cancer) le nombre d’enfants et adolescents de 0-19 ans touchés par un cancer chaque année en France serait stable, pour s’élever à environ 2550 cas par an. Toutefois, la Caisse nationale d’Assurance Maladie relevait 3 033 nouveaux cas de cancers pédiatriques (0-19 ans) en 2019 contre 2 566 en 2003. La progression serait donc de 18 % entre 2003 et 2019 selon ces données, alors que la population de cette tranche d’âge n’a augmenté que de 3 % sur la même période (source Insee). Qu’en est-il réellement du nombre de ces cancers d’enfants ?

On estime ainsi qu’un enfant sur 440 sera atteint d’un cancer avant l’âge de 15 ans 30.

Malgré l’amélioration constante de la prise en charge, environ 500 enfants, soit l’équivalent de 20 classes d’écoles, décèdent chaque année, faisant du cancer la première cause de décès par maladie chez l’enfant de plus de 1 an.

En juillet 2022, le professeur Philip Landrigan31, directeur du Global Observatory on Planetary Health du Boston College, alertait dans un éditorial des Annals of research in oncology 32, sur les liens existants entre les cancers pédiatriques et les polluants. Il rappelle une hausse importante des cas de cancers pédiatriques aux Etats-Unis comme en Europe.

[…] trop rapide pour être d’origine génétique, cette augmentation est en grande partie très certainement liée à des facteurs externes, environnementaux. Il est de plus en plus évident que les expositions environnementales, et en particulier aux produits chimiques manufacturés, sont, en fait, des facteurs importants de cancer chez l’enfant, et en particulier les expositions au cours des 1000 premiers jours de la vie. Les enfants d’aujourd’hui sont entourés d’environ 350000 produits chimiques et mélanges chimiques manufacturés. Il s’agit de matériaux nouveaux, presque tous inventés depuis 1950. […]
Les pesticides font partie de ces 350 000 produits chimiques dont parle le Professeur Landrigan.

Ceci fait écho à l’expertise collective INSERM33 “Pesticides et Santé” parue en 2021, qui mentionnait déjà que :
“Les études épidémiologiques sur les cancers de l’enfant permettent de conclure à une présomption forte de lien entre l’exposition aux pesticides de la mère pendant la grossesse (exposition professionnelle ou par utilisation domestique) ou chez l’enfant et le risque de certains cancers, en particulier les leucémies et les tumeurs du système nerveux central.”

29 https://news.un.org/fr/story/2017/04/355692-en-vingt-ans-les-cancers-chez-les-enfants-ont-augmente-de-13-dans-le-monde
30 https://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/L-organisation-de-l-offre-de-soins/Cancerologie-pediatrique/Les-specificites-des-cancers-des-enfants-et-des-adolescents
31 https://reporterre.net/Cancers-des-enfants-et-pollution-l-omerta-continue
32 https://www.annals-research-oncology.com/pediatric-cancer-and-the-environment-a-fifty-year-perspective/
33 https://www.inserm.fr/expertise-collective/pesticides-et-sante-nouvelles-donnees-2021/

En juin 2022, le Ministère de la Santé conviait les associations à la restitution de l’étude GEOCAP-AGRI34 consacrée aux liens entre viticulture et leucémie aiguës de l’enfant. Les résultats sont clairs : le risque de développement de Leucémie aiguë pour un enfant augmente à chaque augmentation de la proportion de surface en vigne de 10% dans un rayon de 1000 mètres autour du domicile des enfants.

Alors que les scientifiques commencent à étudier de façon plus poussée l’incidence de l’exposition multiple aux pesticides dans l’apparition de cas de maladies chroniques, la France doit considérer avec sérieux ces études. Nous tenons à rappeler qu’entériner des décisions politiques qui incitent à un usage massif des pesticides dans notre agriculture revient à acter une mise en danger délibérée de nos enfants.

CE QUE NOUS SAVONS est suffisant pour demander aux décideurs d’appliquer le principe de précaution ! Les données scientifiques sont suffisamment avancées pour agir immédiatement !

Contre ce désastre sanitaire systémique, la France DOIT réagir de toute urgence.
Pollution des eaux, de l’air, des sols, disparition des abeilles, chute de la biodiversité, développement des maladies chroniques dont les cancers… Récemment, il a même été démontré que les pesticides contiennent des résidus de pétrole et des métaux lourds non déclarés ce qui peut aggraver leurs toxicités35.

L’Etat Français ne peut plus ignorer les données scientifiques, ni renier perpétuellement ses engagements !

A l’automne 2021, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies reconnaissait dans la résolution 48/13 que disposer d’un environnement propre, sain et durable est un Droit Humain.

La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet36, a interpellé les États membres :« Des mesures audacieuses sont maintenant nécessaires pour que cette résolution sur le droit à un environnement sain serve de tremplin pour faire pression en faveur de politiques économiques, sociales et environnementales transformatrices qui protégeront les personnes et la nature »

En juillet 2022, L’Assemblée générale des Nations Unies a déclaré à son tour que tous les habitants de la planète ont le droit à un environnement sain. D’après Inger Andersen, Directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) : "Cette résolution envoie le message que personne ne peut nous enlever la nature, l’air et l’eau purs, ni un climat stable, du moins, pas sans que nous nous battions ». La France a cosigné ces deux résolutions et s’est engagée à travailler à ce que tous les Français et Françaises aient le droit à un environnement sain.

Conformément à ses engagements, nous demandons à l’Etat Français de reconsidérer sa position sur les pesticides de synthèse qui dégradent la santé, l’environnement, et l’avenir de nos générations futures.

34 https://reporterre.net/Vignes-les-pesticides-causent-des-leucemies-aigues-chez-l-enfant
35 Seralini, Gilles-Eric, and Gerald Jungers. “Toxic compounds in herbicides without glyphosate.” https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691520306608
36 https://news.un.org/fr/story/2021/10/1105902

NOUS DEMANDONS donc d’une seule et même voix :

L’application immédiate et systématique du principe de précaution37 concernant toutes les formulations mettant en œuvre les molécules classées CMR (cancérogène, mutagène, reprotoxique), les néonicotinoïdes et les perturbateurs endocriniens. Il s’agit d’arrêter immédiatement leur utilisation tant que leur innocuité sur la santé n’a pas été rigoureusement démontrée.

L’interdiction immédiate d’utilisation de tous les pesticides de synthèse sur les aires d’alimentation de captages d’eau potable38

La révision immédiate des textes réglementaires censés encadrer l’usage des pesticides notamment le décret dit de “Protection des personnes”. Nous souhaitons que les zones concernées par ce décret ainsi que des périmètres de protection autour de tous les lieux de vie, écoles, crèches, terrains de sport et habitations compris soient traités exclusivement avec des produits utilisés en Agriculture biologique, sans aucun lien avec des pathologies lourdes et irréversibles.

La mise en place immédiate d’un Registre Territorialisé des Cancers sur l’ensemble du territoire français. Seulement 19 départements de France métropolitaine sur 95 sont couverts par des Registres du cancer (situation parmi les plus mauvaises d’Europe). Ils couvrent uniquement 24% de la population et l’enregistrement des données a pris plusieurs années de retard. Ceux-ci n’ont donc pas vocation à alerter sur des surnombres éventuels de cancers dans certaines régions. Des données cartographiées, actualisées régulièrement, un registre doté d’un système d’alerte, des chiffres transparents pour la population et en accès libre pour les chercheurs et scientifiques, sont des outils indispensables de prévention et d’action pour la Santé environnementale.

De rendre obligatoire et publique l’étude de l’interaction de toutes les molécules présentes dans la formulation des pesticides avant de délivrer une autorisation de mise sur le marché tant au niveau européen qu’au niveau national. Actuellement, seule la substance active est analysée.

La prise en compte du cumul des facteurs d’exposition et de la toxicité chronique dans les études scientifiques et médicales. La France doit s’armer de normes et investir dans la recherche pour réglementer la polyexposition. Elle ne peut se contenter d’être dotée uniquement de normes sur la toxicité aiguë.

UNE SORTIE TOTALE DES PESTICIDES DE SYNTHÈSES D’ICI 5 ANS

Nous demandons un plan de conversion de notre agriculture vers un modèle agricole vraiment durable, l’agroécologie, seule garante de la protection des écosystèmes et des humains. Les contraintes fixées aux professionnels devront être accompagnées techniquement et financièrement par les institutions. La recherche et l’innovation paysanne sont des leviers pour réussir ce défi. Il en va de l’avenir de notre agriculture. Il en va aussi et surtout de la santé de tous.

37 Le principe de précaution vise à permettre aux décideurs de prendre des mesures de protection lorsque les preuves scientifiques relatives à un danger pour l’environnement ou la santé humaine sont incertaines et que les enjeux sont importants .https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/IDAN/2015/573876/EPRS_IDA%282015%29573876_FR.pdf
38 https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-carte-interactive-de-l-eau-du-robinet-les-pesticides-se-la-coulent-douce-n90494/

Nous sollicitons le soutien de l’ensemble de la représentation nationale et demandons

aux Député.e.s, Sénateurs et Sénatrices, d’étudier nos demandes et d’organiser un débat objectif sur ce sujet majeur d’intérêt général. L’enjeu est de taille. Il s’agit de répondre aux attentes sociétales fortes dans lesquelles se retrouvent des millions de Français. Quelle société voulons nous pour demain ? Une société qui accepte, comme elle le fait depuis plus de 70 ans, de sacrifier l’environnement et la santé pour des exigences de libre-échange, de rentabilité et de profits ? Ou préférons-nous sortir de l’agro-chimie pour produire sainement, dans un environnement durable, protecteur de la santé publique et respectueux des générations à venir.

La moitié des agriculteurs partira à la retraite d’ici 2030, nous devons aider les porteurs de projets vertueux à s’installer et faire en sorte qu’ils puissent gagner leur vie sans dépendre des pesticides et sans mettre en péril leur santé ! De plus en plus nombreux sont les agriculteurs acteurs de la transition agroécologique qui réussissent et se félicitent du cap qu’ils ont choisi. Aucun agriculteur ne doit être laissé de côté, tous doivent être soutenus financièrement et accompagnés. Ce devrait être le rôle prioritaire du ministère de l’Agriculture.

Nous sollicitons une entrevue avec La Première Ministre Mme Borne

afin de lui présenter nos constats, notre démarche et nos perspectives. Dans le droit fil de ce que publie l’Anses : "Au quotidien et tout au long de notre vie, l’environnement est un déterminant majeur de notre santé."39

La Santé environnementale doit constituer une priorité nationale ; notre santé et celle des générations futures en dépendent. Assez de discours, nous voulons des actes !

Parce que nous ne pourrons pas dire à nos enfants que nous ne savions pas, Mesdames et Messieurs les élu.e.s, saisissez-vous du sujet et soyez au rendez-vous !

Contacts Presse

Franck Rinchet-Girollet
Avenir Santé Environnement
07 65 70 32 51
contact@avenir-sante-environnement.fr

Marie Thibaud
Stop aux cancers de nos enfants
06 23 64 25 09
collectif.sce@gmail.com

39 https://www.anses.fr/fr/thematique/santé-et-environnement

Signataires